jeudi 7 mars 2013

LES DEUX BABYLONES

LES MYSTÈRES


Les prêtres qui expliquait les mystères aux initiés était quelquefois appelé d'un nom grec, " Hiérophante ", mais dans le chaldéen primitif, le vrai langage des mystères, son nom prononcé sans les points voyelles, était Pierre, c'est-à-dire l'interprète 1. Rien n'était plus naturel que ce prêtre, interprète et révélateur de la doctrine ésotérique des mystères, portât les clefs des deux divinités dont il dévoilait les desseins secrets 2. C'est ainsi que nous pouvons voir comment les clefs de Janus et de Cybèle furent plus tard regardées comme étant les clefs de Pierre l'interprète des mystères. Bien plus, nous avons la preuve la plus décisive que dans les contrées séparées l'une de l'autre et éloignées de Rome, ces clefs étaient connues des païens initiés non-seulement comme étant celles de Pierre, mais comme étant celles d'un Pierre identifié avec Rome. Dans les mystères d'Eleusis à Athènes, quand les candidats à l'initiation étaient instruits dans la doctrine secrète du paganisme, on leur lisait l'explication de cette doctrine dans un livre appelé par les écrivains " le livre Pétroma "; ce qui veut dire, nous affirme-t-on, " un livre formé de pierre 3". Mais c'est évidemment là un jeu de mots, selon l'esprit ordinaire du paganisme, dans le but d'amuser le vulgaire. La nature de ce fait de l'histoire des mystères montrent que ce livre ne pouvait être que le livre " Peter-Roma ", c'est-à-dire, " le livre du grand interprète ", en d'autres termes, d'Hermès Trismégiste, " le grand interprète des dieux ". En Egypte, où les Athéniens ont puisé leur religion, les livres d'Hermès étaient considérés comme la fontaine divine de toute vraie connaissance des mystères 4.
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    * 1. Parhurst, Lexique, p. 602.
       2. Les Mufti turcs, ou interprètes du Koran, dérivent ce nom du même verbe que celui qui a formé Miftah, une clef.
        3. Potter, Antiquités, vol. I. Mystères, p. 356.
        4.Voici les autorités sur lesquelles repose la citation du texte : Jamblique dit qu'Hermès ( c'est-à-dire l’Égyptien ) était le dieu de la connaissance céleste. Il la communiquait aux prêtres, et elle les autorisait à dédier leurs commentaires au nom d'Hermès ( Wilkinson, vol, V, chap. XVII, p. 9 , 10 ). De plus, suivant les récits fabuleux de l’Égyptien Mercure, il avait, dit-on, appris aux hommes la vraie manière de s'approcher de la divinité par les prières et les sacrifices ( Wilkinson, vol, chap. XIII, p. 10). Hermès Trismégiste paraît avoir été regardé comme une nouvelle incarnation de Thoth et revêtu d'honneurs plus grands encore. Les principaux livres d'Hermès, d'après Clément d'Alexandrie, étaient entourés par les Égyptiens du plus grand respect, et portés dans la processions religieuses ( CLEM. Alex. Strom. liv. VI, vol. III,P.214- 219 ).


Aussi considérait-on dans ce pays d'Hermès sous ce caractère de grand interprète. ou Peter-Roma 1. A Athènes, Hermès comme on le sait, occupait exactement la même place 2 ; il doit donc, dans le langage sacré, avoir été connu sous le même titre. Le prêtre qui expliquait les mystères au nom d'Hermès doit donc avoir porté non-seulement les clefs de Pierre, mais les clefs de Peter-Roma. C'est ici que le fameux nom de livre de la pierre, commence à se montrer sous un jour nouveau ; bien plus, à verser une nouvelle lumière sur l'un des passages les plus obscurs et les plus embarrassants de l'histoire de la papauté. Certains historiens se sont demandé avec étonnement comment il se fait que le nom de Pierre ait été associé à celui de Rome depuis le IVe siècle, comment dans tant de pays divers, des milliers d'âmes ont pu croire que Pierre, l'apôtre de la circoncision, ait renoncé à sa charge divine, pour devenir évêque d'une église  Gentils et souverain spirituel dans la grande cité, quand on n'avait aucune preuve certaine qu'il ait jamais été à Rome ! Mais le livre de Peter-Roma nous explique ce qui sans lui demeurerait tout à fait inexplicable.
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       * 1. En Egypte Petr était employé dans le même sens. Voir Bunsen, vol. I, Hiéroglyphe, p. 545, où Petr signifie, nous dit-on, " montrer. " L'interprète était appelé Hiérophante, mot qui a la même idée que montrer.
           2. L'Athénien ou Grec Hermès est fameux comme étant le dieu de l'invention : il accorde aussi la science, en découvrant aux hommes la volonté du père de Jupiter, et il le fait comme l'ange ou le messager de Jupiter. Il est gardien de la discipline, car il est l'inventeur de la géométrie, du raisonnement et du langage. Aussi préside-t-il à toute espèce d'érudition, nous conduisant à une essence intelligente, loin de cette demeure fragile, et gouvernant toutes les âmes humaines ( Proclus, Commentaire sur le premier Alcibriade, dans les notes sur Taylor, Hymnes orphiques, p. 64 - 65.) Le grec Hermès était si essentiellement le Révélateur ou l'interprète des choses divines que Hermeneutes, un interprète était, disait-on, délivré de son nom (Hyginus, note de la page 114.

Cardinal


Ce titre était trop précieux pour être méprisé par la papauté, et suivant sa tactique ordinaire, il était certain qu'elle ferait à l'occasion servir à sa propre extension. Cette occasion lui fut offerte. Quand le pape eut des rapports étroits avec le sacerdoce païen, quand les païens furent enfin placés sous son contrôle, comme nous le verrons, quoi de plus naturel que de chercher non-seulement à réconcilier le paganisme et le christianisme  mais à montrer que le païen Peter-Roma, avec ses clefs, signifiait, Pierre de Rome, et que ce Pierre de Rome était le véritable apôtre auquel le Seigneur Jésus donna " les clefs du Royaume de Dieu ?" Ainsi par une simple confusion de mots, des personnes et des choses essentiellement différentes étaient confondues ; le paganisme et le christianisme étaient mêlés ensemble afin de servir l'ambition croissante d'un prêtre corrompu ; ainsi, pour les chrétiens aveuglés de l'apostasie, le pape devint le représentant de Pierre l'apôtre, tandis que pour les païens initiés il n'était que le représentant de Pierre, l'interprète de leurs fameux mystère 1! C'est ainsi que le pape fut la contre-partie exacte de Janus à la double figure. Oh ! quelle profonde signification de l'expression scripturaire, " le Mystère d'iniquité ", appliquée à la papauté!"


Le lecteur pourra comprendre maintenant comment le grand Concile d'Etat du pape qui assiste ce dernier dans le gouvernement de l'Eglise, a été appelé le collège des cardinaux. Le mot cardinal vient de Cargo, gond. Janus, dont le pape porte la clef, était le dieu des portes et des gonds, et on l'appelait " Patulcius et Clusius ", celui qui ferme et celui qui ouvre 2. C'était un sens blasphématoire, car on l'adorait à Rome comme le grand Médiateur.
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      * 1. Pour la preuve à propos du titre de l'interprète des mystères, voir Bryant, Mythologie, vol.I, p. 308-311, 356, 359, 362.
          2. Lampriere, sub voce.




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